Chronique FabienR. 9-jan-2021

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Chronique d’Écologie intégrale tous les lundis sur Radio Espérance.

Chronique d’EI du samedi 9 janvier 2021

Pour le Dimanche du Baptême du Seigneur, Année B.

Dans l’esprit du monde d’avant, j’avais de la peine avec la première partie de la première lecture prise dans le livre du prophète Isaïe : « venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer. » Je ne comprenais pas cette invitation à une débauche de consommation à mettre mal à l’aise décroissants et végétariens. Dieu est-il le garant et le fondateur du productivisme consumériste poussé jusqu’à son extrême : il faut profiter au maximum et tant mieux si c’est gratuit, tant pis pour ceux qui doivent payer. Lors de mes études à Toronto au Canada, on appâtait les étudiants à des conférences ou des réunions en leur promettant un buffet gratuit… Bon, je reconnais que je n’avais pas fait le lien avec les deux autres parties qui traitent de la sagesse de Dieu et qui n’est pas celle des hommes : les dons de Dieu ne demandent aucune contrepartie, les dons de sa miséricorde sont infinis et son comparables à un banquet surabondant. La troisième partie nous indique que Dieu donne de toute manière, en particulier le don de sa Parole qui ne reste pas sans effet. La sagesse de Dieu n’est pas celle des hommes et pourtant, la tradition spirituelle ne cesse de rappeler que c’est bien Dieu le modèle auquel nous devons nous conformer. Ainsi si on lit ce texte avec l’état d’esprit du monde d’après, celui de l’écologie intégrale, on peut y lire une invitation à changer le système économique afin d’en faire une structure au service de la miséricorde divine. Au cœur de ce nouveau modèle se situe le don. Il se trouve que depuis quelques décennies déjà, le concept de l’économie du don existe et a été initié en Italie sous le Pape saint Jean Paul II, repris dans Caritas in veritate par Benoît XVI et déployé en ce moment dans la perspective de « l’économie de François » relative à l’inspiration de saint François d’Assise.

Le cantique qui remplace le Ps est aussi tiré du livre d’Isaïe, il prolonge la première lecture en introduisant la réponse à ce don qui est la louange qui s’élargit à toute la création. « Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence, et toute la terre le sait. » La création sait bien quelle est la dimension des dons de Dieu car la création est elle-même l’objet de ce don. La création est don qui appelle sa juste distribution selon le principe de la destination universelle des biens. L’être humain est à la fois don et destinataire : notre existence est un don fait à nous-mêmes. Toute la création le sait dit Isaïe, elle nous est donnée en exemple pour entrer dans l’attitude de la reconnaissance de la source de tout don.

La deuxième lecture fait le pont avec l’évangile du Baptême du Seigneur. Le don qui accomplit tous les dons c’est bien la vie de Dieu offerte dans le baptême fruit de la mort et de la résurrection du Seigneur. L’évangile de Marc est assez sobre sur le sujet, il va direct à l’essentiel : l’épiphanie. Le sens du baptême de Jésus est celui de la manifestation de Dieu fait homme au monde qui inaugure ensuite le ministère public de Jésus. Jésus est le don offert à la création toute entière pour que Dieu communique sa vie à toute créature et apporte le don du salut à l’humanité en attente de délivrance. Mais Jean Baptiste insiste sur une différence. Le baptême qu’apporte Jésus n’est pas le même que celui de Jean. Et pourtant Jésus est venu se soumettre à ce baptême dans le Jourdain. Quel peut en être le sens pour nous aujourd’hui ? Jean le Baptiste préparant les chemins du Seigneur appelait à la repentance et à la conversion. Cette dernière avait pour finalité la préparation du cœur à recevoir le Christ et le don de Dieu. Aujourd’hui le pape François insiste pour dire qu’une des conséquences de la conversion à JC doit être la prise au sérieux de la sauvegarde de la création comme exigence découlant de la rencontre avec le Christ. La conversion, qui est entre autres celle du cœur, passe par la conversion du regard sur la création afin d’entrer dans le regard de Dieu sur la création, un passage obligé qui permet de fournir le sens et les motivations nécessaires au changement de vie. Il me semble aujourd’hui que par le thème de la conversion, l’évangile de ce jour peut nous renvoyer à l’objectif de de la première lecture : entrer dans les dispositions d’une économie du don qui se fonde sur la sagesse de Dieu, sur la vision que Dieu a pour l’humanité et son épanouissement heureux. L’EI vise la mise en œuvre d’une telle économie. Cette mise en œuvre me semble impossible tant que dans les cœurs l’esprit du monde d’avant subsiste encore. Le Christ nous donne l’exemple et accepte de passer par l’étape du baptême de conversion avant de se lancer dans son ministère public. Il nous donne l’exemple, imitons-le, et accueillons le don de Dieu.