Chronique FabienR. 24-mai-2021
Chronique d’Écologie intégrale tous les lundis sur Radio Espérance.
Acronymes – LS : Laudato Si – EI : Ecologie Intégrale
Chronique d’écologie intégrale du samedi 24-mai-2021
4e dimanche de Pâques Année B
On peut dire que l‘évangile de ce 4ème dimanche de Pâques fait partie des plus connus de par la métaphore qui est employée par Jésus pour signifier son rapport à l’humanité : l’évangile du « bon pasteur ». Voici une représentation rurale et agricole qui n’a pas manqué d’alimenter l’imagerie religieuse à travers les siècles. C’est effectivement une imagerie bien parlante dans une société à forte composante rurale et avec une pratique religieuse forte dans ces mêmes zones rurales. Cette représentation fonctionne également dans une culture issue du nomadisme telle que l’a vécu le peuple hébreu pendant des siècles comme en témoigne la vie des saints patriarches de l’Ancien Testament. Dans ce double contexte la figure du berger a un sens qui ne peut que nous échapper aujourd’hui tellement elle joua un rôle social déterminant dans la vie des hébreux de l’Antiquité, et plus largement les habitants du proche Orient. Dans ce contexte, le troupeau qui suit la population nomade, c’est la principale ressource alimentaire. Bien s’occuper du troupeau, le sauver des mauvais bergers, est vraiment une question de vie ou de mort pour la communauté. Les images bucoliques et champêtres des siècles récents d’un Jésus habillé de rose et gardant un troupeau de blanches brebis me semblent bien à côté de la réalité et du sens que Jésus veut faire passer. Malheureusement pour nous, il n’est plus très glorieux de passer pour un mouton aujourd’hui. Rabelais est passé par là au XVIe siècle avec son fameux Panurge dont les moutons représentent la masse des gens qui suivent l’avis majoritaire sans user d’esprit critique. Etre un mouton de Panurge est aujourd’hui devenu une insulte. Alors, là où au temps de Jésus passer pour une brebis pouvait être un signe de gloire et de richesse, aujourd’hui passer pour un mouton ne nous incite pas vraiment à recevoir le message de Jésus avec disponibilité, sans parler de joie. Dans l’opinion populaire être chrétien peut signifier être un mouton qui obéit aveuglément aux dogmes dans un asservissement intellectuel politiquement très incorrect. Enfin, il faudrait savoir qui est vraiment défenseur et adepte de la pensée unique, hein… Dans ce contexte s’identifier à la brebis requiert de la part du croyant une posture d’humilité de celui qui accepte de se laisser guider par le Bon Pasteur parce qu’il en a besoin et qu’il a surtout besoin d’être sauvé. Comment retrouver le sens de la grandeur et de la valeur d’être une brebis qui est entretenue avec soin et dévotion par un berger dont l’importance sociale était alors primordiale ? Pour nous aujourd’hui qui sommes en grande majorité des citadins (pas moi, je résiste), la figure du berger n’a plus beaucoup de sens voire de pertinence. Dans un monde ou l’agriculture française et l’élevage sont ultra-subventionnés, où le métier de l’élevage ovin ne fait plus vivre son homme et sa famille que très difficilement, le sens de ce métier a également subi une évolution importante. Déjà du temps de Jésus où les populations palestiniennes étaient bien sédentarisées, le berger passait pour un marginal. Aujourd’hui beaucoup de ceux qui décident de devenir berger sont des gens qui veulent se mettre en marge de la société, qui veulent vivre selon un autre modèle que celui de la production et de la consommation de masse, pour vivre au contact de la nature, dans la montagne selon un mode de vie simple et sobre, et même assez décroissant. Comme Jésus ces nouveaux bergers postmodernes ont un message prophétique à nous transmettre dans le désir d’une société transformée, dans la perspective de l’ écologie intégrale pourquoi pas ? Le berger aujourd’hui est aussi la figure de celui qui souffre car déjà que son activité n’est pas rentable, voilà qu’on réintroduit son vieil ennemi héréditaire, le loup qui vient menacer son troupeau et lui infliger des pertes et un stress dont il n’avait pas vraiment besoin. Le berger refusant le loup dans son environnement devient un signe du paradoxe dans lequel nous vivons sur le plan écologique. La réintroduction du loup est une nécessité écologique qui ne peut être compensée par l’activité humaine, et d’un autre côté on ne donne pas vraiment les moyens aux bergers de vivre avec ce prédateur comme l’ont appris à le faire nos voisins italiens par exemple. Le berger français est donc actuellement une figure du pauvre dont il faut entendre la clameur, et dont il faut prendre soin. Quels pasteurs faut-il trouver pour s’occuper de la souffrance des bergers aujourd’hui ? Les lectures nous aident alors à nous recentrer sur ce qu’il faut retenir du rôle de pasteur ou de berger assumé par Jésus : il est celui qui sauve, et qui sauve en donnant sa vie pour ceux qui lui sont confiés. Bien sûr c’est nous toutes, créatures humaines qui sommes confiées à Jésus, mais c’est aussi la création toute entière qui est appelée à entrer dans la gloire de Dieu. C’est un rôle qui est aussi confié à l’humanité : saint Jean-Paul II ne disait-il pas que l’être humain est le berger de l’être ?