Chronique FabienR. 27-mars-2021

Partager

Chronique d’Écologie intégrale tous les lundis sur Radio Espérance.

Acronymes – LS : Laudato Si – EI : Ecologie Intégrale

Chronique d’écologie intégrale du 27/03/21

Dimanche des Rameaux Année B

Le rite de la bénédiction des rameaux de ce dimanche nous plonge dans la symbolique de l’usage d’éléments de la création matérielle pour nous aider à vive de l’intérieur et de manière incarnée ce temps de la Passion. Les éléments de la création sont convoqués pour la venue du Messie à Jérusalem : un ânon sur lequel il est dit que le Messie doit se présenter, des palmes qui sont posées au sol ou qui sont agitées ; des manteaux faits de laine ou de lin et donc tirés du monde animal ou végétal. Les textes du jour montrent en fait que l’histoire du Salut n’est certainement pas découplée de nos réalités terrestres. A l’issue de cette entrée dans Jérusalem on peut très bien s’imaginer, en arrivant au temple, la détresse et la frustration bien humaine de Jésus de ne pas voir les prêtres lever les mains au ciel pour prononcer la formule rituelle de l’accueil du Messie : une formule issue du Ps 117 au v. 26 : « De la maison du Seigneur, nous vous bénissons ! » Regardons ensuite la place du corps et des réalités terrestres qui sont présentes dans les lectures de ce jour. Dans le passage du livre d’Isaïe, dit du serviteur souffrant, les éléments du corps humain sont convoqués tant pour valoriser le disciple fidèle, par l’écoute de son oreille, que dénoncer l’outrage de celui qui voit ses joues lacérées, sa barbe arrachée et son dos déchiré. Cette menace physique dont le serviteur fait l’objet trouve un écho dans le psaume qui prolonge traditionnellement ce texte d’Isaïe : « Oui, des chiens me cernent, une bande de vauriens m’entoure. Ils me percent les mains et les pieds ; je peux compter tous mes os. Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement. » La deuxième lecture donne le sens profond de ce rapport de Jésus au corps et à la souffrance et la soumission aux éléments de la création : c’est l’abandon de la condition divine pour le partage de la condition humaine qui est aussi celui de la condition de créature : « Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé ». L’acceptation des limites de notre humanité, parce que Dieu a jugé digne de la rejoindre, constitue un modèle pour celui qui veut vivre à fond le sens de l’écologie intégrale. S. Marc nous donne bien le sens de cet abaissement jusqu’à la croix, la dernière place qui ne lui sera pas enlevée. Jésus qui rejoint notre humanité en assume complétement la condition incarnée : ici les éléments de la création jouent des rôles importants dans cette dramatique cruciale où vient se nouer et se dénouer toute l’histoire du Salut. Tout commence quand Jésus est à table et qu’il est en train de manger les fruits de la terre. Une femme vient lui verser un parfum précieux sur la tête. Le parfum est élaboré à partir de plantes et il symbolise donc la mort à venir et la nécessité de l’embaumement. Il est même précisé que le flacon est fait d’albâtre. Jésus parle de son corps qui sera enseveli dans un tombeau, sa dernière demeure terrestre. Cela se passe à l’occasion de la fête de pains sans levain au cours de laquelle on sacrifie un agneau, l’agneau pascal qui évoquait tant la figure du Christ à saint François d’Assise. L’agneau était de ce fait l’animal préféré du pauvre d’Assise. La fête des pains sans levain est encore une question de repas car elle consiste à manger la Pâques. On est bien dans l’exécution d’actes du quotidien qui prennent une dimension sacrée et liturgique. Le drame de la trahison de Juda se déroule pendant le repas qui est pourtant signe de communion. Et c’est au cours de ce repas que Jésus institue l’eucharistie : au cours de laquelle ce sont encore des éléments de la vie courante qui servent à la consécration, et qui sont divinisés : du pain et du vin. D’ailleurs dans le royaume de Dieu il semble que le fruit de la vigne sera de nouveau présent parce que Jésus annonce que ce sera la prochaine fois qu’il en boira. La métaphore du rapport entre le berger et les brebis est une nouvelle fois utilisée pour évoquer le rapport de Jésus avec ses disciples. Dans le jardin des oliviers Jésus éprouve des sentiments tout humains comme la tristesse, l’angoisse et la peur. Les disciples, pas très vaillant, connaissent les faiblesses de la fatigue en succombant à l’endormissement, nous sommes encore face à des réalités parfaitement incarnées et humaines. Jésus le déclare et le reconnait : « l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » Le signe de la trahison est lui-même une trahison du geste de l’amitié et de l’amour humains : le baiser. La violence corporelle lui succède avec l’ablation de l’oreille du serviteur du grand-prêtre à coup d’épée. Détail troublant, dans la débâcle des disciples Marc exprime le besoin de parler de la fuite de cet homme nu. Le feu trouve ensuite sa place dans la cours du palais du grand prêtre pour permettre à Pierre de se réchauffer au moment de renier son maître. Et si un bon vieux coq de nos campagnes n’avait pas été là, le drame de Pierre n’aurait pu prendre toute son ampleur avec des vraies larmes de tristesse elles aussi bien humaines. Mais le signe du soi-disant blasphème de Jésus est marqué par un geste bien matériel qui marque la gravité de la parole : le grand prêtre déchire ses vêtements. Marc reste cependant discret et pudique face à la flagellation de Jésus. Mais là encore les éléments matériels de la création jouent leur rôle : la pourpre du manteau, les épines qui servent à faire la couronne, le roseau pour frapper Jésus, la salive des crachats, le bois de la croix, le vin aromatisé de myrrhe qui servira d’antalgique pour supporter les douleurs de la crucifixion. Le ciel se voile et l’obscurité se fait sur le pays pour signifier la gravité du moment, l’éponge servant à lui donner de cette boisson vinaigrée pour le désaltérer un peu. Jésus expire, il vit une mort toute humaine sans aucun doute ni faux semblant. La mort de Jésus et liée à la violence du traitement qu’il a reçu et qui l’a fortement affaibli et fatigué avant le supplice final. Jésus est enfin traité humainement quand on lui accorde une sépulture avec un linceul d’étoffe toute végétale, et une tombe creusée dans le roc de notre bonne vieille terre. Non décidément, la création matérielle n’est pas qu’un décor dans lequel se déroule l’histoire du Salut, tous les éléments que Jésus a rejoints par son incarnation sont convoqués pour être des acteurs de ce drame aux dimensions cosmiques.